Recits_Contes_Populaires - page 23

l’intelligence et le bon sens des pâtres. Enfin, après avoir parcouru l’ensemble
de la presqu’île, il la dit se trouver riche de ses grands troupeaux d’ovins et de
ses vignobles.
Cet itinéraire d’une sensation phantasmée et artistique d’un terroir solitaire
et « sauvage » à une observation raisonnée est celle d’un scientifique. Chez le
peintre Odilon Redon (1840-1916) qui vécut longtemps au hameau de Peyrelebade
dans la commune de Listrac, la sensation artistique garde le pas mais sans
globalisation abusive. Le peintre parle d’un pays dont il connaît les contrastes
et son attachement à un « tout » local — le domaine médoquin — lui livre une
ouverture sur l’universel. Nous voudrions, afin d’illustrer cela, rapporter quelques
citations de son ouvrage
A soi-même
9. Premièrement, la Lande et l’isolement :
« Dans la région que je vous parle, située entre les vignes du Médoc et la mer,
on y est seul. L’Océan, qui couvrait autrefois ces espaces déserts, a laissé dans
l’aridité de leurs sables un souffle d’abandon, d’abstraction. »
Plus loin, la « Rivière » et son image, assez juste, d’inégale prospérité liée à
la religion de la vigne :
« Sur la lisière de cette lande, longeant le beau fleuve, s’allonge, étroit et resserré
de vignes, le Médoc, avec ses résidences nettes, ses chemins étroits, son luxe de
culture traditionnelle, où la terre est comme souveraine de tous les hommes riches
ou infortunés. »
L’idée très personnelle des autochtones et l’expérience intime d’un paysage qui
a tant influencé son oeuvre :
« Je dois à mon pays ces visages tristes que vous savez, et que j’ai dessinés
parce que je les ai vus et parce que mes yeux d’enfant les avaient conservés aux
résonances intimes de mon âme. »
Enfin, sur ce terreau fertile, une opinion sur la création artistique où, à l’occasion
de l’enracinement en Médoc, l’hypothèse d’un dialogue entre l’universel et le local
est posée :
« (...) L’artiste qui produit vrai, humainement vrai, a besoin, tout comme les
autres hommes, d’exercer sa passion sur des choses, fût-ce celles de sa possession.
Il participe des choses qu’il s’approprie et il n’est pas dans l’abstraction tant qu’on
pourrait le croire », écrit-il en 1898, au moment où il doit se séparer de sa maison
de Peyrelebade. En 1910, alors que la perte est consommée, il note:
« Le jour où Rembrandt déconseilla à ses élèves les voyages, et surtout celui
d’Italie, je crois qu’il fut l’annonciateur de l’art profond.
»
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