Recits_Contes_Populaires - page 22

Ores, il se retire, et nous gaignons le frais,
Ma Marguerite et moy, de la douce serée.
Nous traçons dans les bois quelque voye esgarée :
Amour marche devant, et nous marchons après.
Si le vert ne nous plaist des espesses forests
Nous descendons pour voir la couleur de la prée.
Nous vivons francs d’esmoy, et n’avons point soucy
Des Roys, ny de la Cour, ny des villes aussi.
O Médoc ! mon pays solitaire et sauvage,
Il n’est point de séjour plus plaisant à mes yeux ;
Tu es au bout du monde, et je t’en aime mieux ;
Nous sçavons après tout les malheurs de nostre aage. 7
A la même époque, les Médoquins, tout au moins ceux de la côte océane, ont
la mauvaise réputation d’être des naufrageurs. La tradition, nous rapporte Cl.
Masse 8 au xvm e siècle, « ... assure qu’ils étoient plus barbares et inhumains
que les Tartares, c’est de ces voleurs que plusieurs familles habitantes de Médoc
se sont enrichies, et surtout de cette flotte portugaise (qui aurait péri sur les rivages
médoquins à ce moment). On dit que M. le duc d’Épernon, pour lors gouverneur
de Guyenne, eut sa part de ce riche butin... » Dans ses relations de voyage, le
géographe Cl. Masse nous donne la description d’un pays inquiétant et sauvage.
Il s’agit encore de la région des lacs, des dunes et de la lande, celle que les gens
au pouvoir au
XIXe
siècle mettront en exploitation avec les mêmes justifications
« civilisatrices » :
« (...) Nous ne vîmes pendant ce temps que quelques bergers qui fuyaient
lorsque nous les appelions, à cause que nous portions des chapeaux, il n’y eut
qu’un seul bagan ou voleur qui nous joignit et qui, au bout de quatre jours, nous
échappa, ne pouvant plus lui faire bonne chère ; nous faisions sentinelle tour à
tour de crainte des voleurs, ensuite le premier homme que nous vîmes fut un
vieillard qui se cacha aussitôt dans un buisson et que nous n’aurions pu joindre
s’il n’avoit pu courir ; ce qui nous fit plaisir, ayant grande envie de nous informer
du Pays, je lui parlay gascon outre que je l’entendais aussy bien que mes deux
aydes qui étoient de Bordeaux et trois hommes du Pays ; pour mon valet, qui
était Saintongeois, il était bien embarrassé pendant ce voyage dont il ne croyoit
sortir. »
Cependant, dans le même mémoire, Masse nuance sa vision des Médoquins
lorsqu’il aborde les endroits longeant la « rivière dont les rives étaient bien
peuplées, remplies de beaux bourgs, villages et hameaux,... et faites de petits
coteaux occupés par des vignes produisant d’excellents vins qui se vendent bien
cher. » Il la nuance aussi pour le Médoc landais où il remarque, quand même,
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