Recits_Contes_Populaires - page 43

— Ne touchez pas à son cochon ! Il vous arriverait malheur. C’est vrai,
elle est sorcière. Dès que je me suis trouvé sur le seuil de sa porte, elle
m’a senti venir.
A dit : « Ne’n teni un ! »
(Elle a dit : « J’en tiens un ! »)
— Tu es fou, dit le deuxième voleur. C’est la peur qui te trouble l’esprit.
Tè ! Je vais aller écouter à mon tour. Et il s’en va du côté de la maison.
Mais la vieille ne perdait pas de temps : elle avait regarni sa quenouille
et finissait déjà un autre fuseau. Au moment où le deuxième voleur mettait
le pied sur le seuil, la vieille déposait le second fuseau à côté du premier.
Et, satisfaite de son travail, elle se mit à parler toute seule :
« Aqueste
càp, ne’n teni un ! »
(Cette fois, j’en tiens un!)
Lorsque le gredin entendit cela, la peur le saisit et il courut vite retrouver
les autres :
— C’est bien vrai !C’est une sorcière. Elle m’a dit qu’elle me « tenait »,
moi aussi !
— Oh ! Vous commencez à m’embêter avec vos histoires ! dit le dernier
bandit. Eh bien ! Pour vous prouver que je n’ai pas peur et que je ne
crois pas à vos sornettes, je vais aller cracher sur le seuil. Si la vieille
est sorcière, elle dira bien quelque chose !
Mais comme celui-ci arrivait à la porte, la vieille venait de ranger son
fuseau et sa quenouille et, face au foyer, elle tournait de côté ses belles
pommes. Et, en cuisant, bien sûr, les pommes se fendillaient et laissaient
couler leur jus sur les tisons. Et la vieille leur disait : «
Podetz crachar
e bavilhar, vos minjarèi ben totun ! »
(Vous pouvez cracher et baver, je
vous mangerai quand même !)
Le voleur crut que la vieille parlait de lui, et du coup, perdit tout son
courage. De crainte d’être mangé, comme il se proposait de le faire au
cochon, il préféra abandonner la partie... Il courut dire aux autres :
— C’est vrai. Vous aviez raison : la vieille est sorcière. Elle a deviné
que je crachais sur son seuil et elle a menacé de me manger. Laissons-lui
son cochon et dépêchons-nous de partir. Il ne nous arriverait rien de bon
si nous restions plus longtemps !
Et les trois compagnons s’en allèrent et ne revinrent plus jamais. Et
voilà comment, à l’aide de son fuseau, de sa quenouille et de trois pommes
rôties, la vieille sauva son cochon.
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