LE CONTE FACÉTIEUX
Jeantillot le sot et l’œuf de jument
Jantilhot lo morre e l ’eu de cavala
Jeantillot a envie d’un poulain, aussi beau que celui de son voisin. Ce dernier
lui fait acheter une citrouille en lui faisant croire que c’est un œuf de jument
qu’il devra mettre à couver... Conte du type 1319 (Aarne et Thompson).
Il y avait une fois, à Cheutres, un homme qui n’était pas très dégourdi.
Il s’appelait Jeantillot. Son voisin, Cadèt, venait de s’acheter un poulain.
Et ce poulain faisait envie à l’autre niais. Il va le voir :
— Bonjour Cadèt.
— Bonjour Jeantillot. Que veux-tu ?
— Mon ami, j’ai vu que tu avais un beau poulain dans ton pré. Je
viens te demander où tu l’as déniché?
— Oh ! C’est facile. J’ai acheté un œuf et je l’ai fait couver par la grosse
dinde. Mais les derniers jours, elle s’est découragée et ma femme a fini
de le réchauffer au lit. Voilà comment est né mon petit cheval. Si tu en
veux un, nous irons à la foire de Lesparre. Tu achèteras un œuf et le
feras couver, puis tu auras un poulain.
A la première foire de Lesparre, Cadèt et Jeantillot montèrent sur leurs
échasses, et en avant ! Les voici partis à travers les buissons et les ajoncs.
En arrivant en ville, Cadèt conduisit Jeantillot à l’étal d’une maraîchère
qu’il connaissait :
— Où sont les œufs de jument ?
— Ici, tenez ! J’en ai de beaux, lui dit cette coquine de femme.
Et elle leur apporte des grosses citrouilles bien rondes :
— Combien en voulez-vous ? Dix écus pièce, pas un de moins.
Jeantillot paie, met la citrouille dans son sac, le sac sur l’épaule, et
nos deux « Landescots » 1 reviennent à Cheutres. En passant dans la
lande, Jeantillot se prend le pied de l’échasse dans une bruyère, laisse
tomber le sac et l’œuf se casse en deux. Juste sous la touffe où il avait
38
