TOMBE DE CAÏPHAS
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Ce savant jésuite, surpris de trouver dans la
Chronique
de
Delurbe,
que ce tombeau étoit celui de
Waifre,
réclama
contre la nouveauté de cette opinion ; il soutint que ce fait
ne devoit point être avancé comme
chose assurée ;
la raison
qu’il en donne, c’est que
Thevet, en sa Cosmographie, met cela
en avant comme une sienne conjecture, disant que ce que le vul
gaire appelle à Bordeaux
la tombe de Caïphas,
doit être estimé
plutôt la tombe de Gaifer, qui étoit Duc d’Aquitaine.
Voilà, ce semble, l’époque de cette opinion, qu’a avancée
un Auteur peu respectable, et qu’un habile Critique, tel que
Fronton Duduc,
réfuta dès le moment qu’elle commença à
prendre faveur. S’il y eût eu pour lors quelque tradition à
cet égard, ce Savant,
natif de ‘Bordeaux,
d’une famille an
cienne et distinguée, ne l’eût point ignorée. Il n’auroit point
été surpris que
Delurbe
eût donné pour certain un fait que
Thevet
ne donnoit point pour tel ; il n’eût point soutenu for
tement que
c étoit une conjecture et une opinion qui n’est fondée
sur aucune inscription, et que la circonstance du lieu ne favorise
point; car cette tombe,
ajoute-t-il,
n’est ni dans une Eglise, ni
dans une Chapelle, mais en pleine campagne, et toutefois Gaifer
étoit Chrétien.
Une preuve qu’avant le temps de
Thevet
le tombeau en
question n’avoit pas reçu le relief qu’on lui a donné depuis,
c’est qu
’Elies Vinet
n’en fait aucune mention dans son
Dis
cours sur les Antiquités de cette Ville,
imprimé en 1565, ni
dans ses
Notes sur Ausonne,
quoique dans l’un et l’autre Ou
vrage il parle de tout ce qu’il y a d’ancien et de remarquable
dans Bordeaux. Il n’eût certainement pas oublié le tombeau
d’un Duc d’Aquitaine célébré par ses malheurs, si de son
temps il eût été réputé pour tel. S’il s’est tu sur la tombe de
Caïphas,
c’est qu’elle n’étoit pour lors d’aucune considération.
Delurbe
(su r l’an 767) est le premier qui l’ait mise en
réputation, en assurant positivement ce que
Thevet
n’avoit
dit que par conjecture. Son exemple, ce qui est surprenant,