1876_III - page 92

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VARIÉTÉS BORDELOISES
Ce préjugé s’est fortifié par la réponse que fit, il y a quel­
ques années, un premier Ministre aux Syndics de l’Eglise de
Saint-Michel, qui sollicitoient quelque faveur de la Cour,
pour le rétablissement de ce clocher.
On a cru, depuis ce temps-là, appercevoir sur sa pyramide
des fleurs-de-lys renversées, et on a présumé que cet édifice
étoit un monument des avantages que les Anglois remportè­
rent à la bataille de Poitiers.
Sous ce point de vue, le clocher de Saint-Michel ne serait
qu’un monument de la gloire de la Nation Angloise. Elle en
aurait formé le projet, ses Architectes l’auraient exécuté, et
il n’existerait que pour rappeller, conformément à leurs vues,
la fatale époque de leur triomphe ; ce ne seroit donc que par
des idées peu réfléchies, que nous regarderions cet édifice
comme un ornement de notre Ville.
Mon attachement pour ma Patrie, et l’honneur d’être As­
socié à un Corps dont le but est de découvrir le vrai dans
tout ce qui peut mériter l’attention, ou tourner à l’avantage
de la Société, m’ont déterminé à dissiper ce préjugé. Je vais
établir que Bordeaux ne doit ce clocher qu’au zele de ses
Habitans et à l’habileté de ses Ouvriers. Nos peres ont cru
en décorer la Ville, qu’il serve au moins à perpétuer le sou­
venir de leurs bonnes intentions.
J’observe d’abord que quand même le clocher de Saint-
Michel auroit été élevé dans le temps que les Anglois étoient
maîtres de la Guienne, on ne devrait point le leur attribuer.
Il ne faut point croire qu’ils fussent pour lors en grand
nombre dans Bordeaux. Le Sénéchal et le Connétable étoient
ordinairement de leur Nation, et quelques Négocians fréquen-
toient la Ville pour les affaires de leur commerce, mais peu
d’Anglois s’y étoient établis, et leur nombre n’y faisoit au­
cune sensation.
Les Habitans de Bordeaux occupoient seuls les Charges
municipales; eux seuls se mêloient de l’administration des
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