1876_III - page 19

NOTICE DE LA PAROISSE DE LA BREDE
I I
» fant ( i) . » Le pere de M. de Montesquieu étoit humain et
pieux, mais sa femme sur-tout, Marie-Françoise de Penel,
avoit toujours été un modèle si parfait des vertus chrétiennes,
et a laissé dans sa terre une telle réputation de sainteté, qu’il
n’est pas douteux que la bonne femme, qui écrivoit cette
note, n’ait deviné leurs intentions dans cet acte réfléchi d’hu­
milité. La Providence les bénit, car en douant cet enfant du
plus beau génie, elle lui donna le cœur le plus sensible. 11
chérit toujours ses tenanciers, et je lui ai oui dire quelquefois,
qu’une de ses jouissances les plus pures étoit de les revoir.
On le devinoit aisément à l’air de satisfaction qui se peignoit
sur son visage chaque fois qu’il revenoit de Paris. Il parcou-
roit chaque jour dans ses promenades, tantôt un Village,
tantôt un autre, et connoissoit jusqu’aux plus petites posses­
sions de ses Paysans. Il s’informoit des détails de leurs affaires,
de leurs besoins, de leurs querelles, en pere tendre, et ne
leur parloit jamais qu’en Gascon, en les appellant par leurs
noms : ces circonstances, et beaucoup d’autres que je pour-
rois citer, ne me paraissent pas des coups de pinceau inutiles
pour la peinture de son caractère. Ce n’est que par les détails
(i) C’est une chose remarquable, que l’enfance des deux hommes les
plus illustres de cette Province, par leur génie et leur réputation, offre pré­
cisément les mêmes singularités. Voici ce que Montaigne nous apprend
(Liv. Ill, chap. 13 de ses
Essais),
« Si j’avois des enfans masles, je leur
» désirasse volontiers ma fortune. Le bon pere que Dieu me donna (qui n’a
» de moy que la recognoissance de sa bonté, mais certes bien gaillarde),
» m’envoya dès le berceau nourrir à un pauvre Village des siens, et m’y
» tint autant que je fus en nourrice, et encore au-delà ; me dressant à la
» plus basse et commune façon de vivre :
magna pars libertatis est benè mora-
»
tus venter.
— Son humeur visoit encore à une autre fin ; de me rallier
» avec le peuple, et cette condition d’hommes qui a besoing de notre ayde :
» et estimoit que je fusse tenu de regarder plutost vers celui qui me tend
» les bras, que vers celui qui me tourne le dos. Et sur cette raison pourquoy
» aussi il me donna à tenir sur les fonts à des personnes de la plus abjecte
» fortune, pour m’y obliger et attacher. »
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