LETTRE DE M. LATAPIE
5
nom m’est infiniment cher : j’ai un peu, comme notre ami
Ménage, la maladie de vouloir remonter jusqu’aux origines :
enfin je prends un intérêt vif à votre Ouvrage, parce que je
le regarde comme précieux pour ma patrie, et parce qu’il est
de vous. Voilà, ce semble, au talent près, de bien fortes rai
sons pour vous d’espérer que vous aurez de moi pleine satis
faction. Mais je me hâte de vous détromper. A peine eus-je
pris la plume, l’année derniere, pour commencer une des
cription telle que vous la désirez, et d’après les diverses
ques
tions
imprimées dont vous avez répandu tant d’exemplaires
dans ce Diocese, que le découragement me saisit. Tant et
tant d’objets dont il falloit parler, et sur la plupart desquels
je n’ai même encore aucune notion précise, se présentèrent
devant moi, que je n’eus pas la force d’en traiter un seul.
D’ailleurs il faut tout vous dire.
Dès l’instant que j’eus renoncé à la Capitale et aux voyages,
et qu’un état, dont je ne vis d’abord que le côté agréable et
relatif à mes goûts favoris, m’eut fixé dans ma Province, je
formai d’abord le projet, que je réalise chaque jour, de tra
vailler à la
Notice
de cette généralité ( i ) : ensuite j’en formai
un autre plus difficile sans doute, quoiqu’infiniment moins
vaste et moins épineux en apparence; celui de publier un
jour la description complette d’une Paroisse du Bordelois, et
cette Paroisse est, comme vous l’imaginez bien, celle-là
même dont vous voulez que je parle. Oui, mon cher Abbé,
cette description d’un petit point de la terre, telle que je la
conçois, est une œuvre très-difficile, et dont il n’existe point
de modèle. Il n’y a guere que les travaux réunis d’une
Société savante qui puisse l’exécuter, puisqu’elle doit remplir
(i) Cette Notice, qui forme un
in-4°
de 300 pages, a été envoyée au
Conseil en Juin 1785, et l’Académie des Sciences de Bordeaux en conserve
une copie dans ses Archives. L’Auteur se propose de la perfectionner par
ses observations annuelles.