SAINT-MORILLON
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usage subsistoit encore au temps de Sidoine-Appollinaire, qui
vivoit dans le cinquième siecle.
Sidoine observe encore à son neveu, que ce qui pouvoit
diminuer l’horreur de cet attentat, c’est que les monceaux de
terre qu’on élevoit au-dessus des sépultures, s’étoient affaissés,
soit par le poids des neiges, soit par les courans d’eau formés
par les pluies continuelles qui les avoient fait entièrement dis
paraître, ensorte que la surface du terrain étoit entièrement
applanie ;
sed tanien tellus
,
humatis qua superducitur, redierat in
pristinam distenta planitiem pondéré nivali, scu diuturno imbrium
fluxu sidentibus acervis
(2).
Voilà la preuve bien claire qu’on élevoit des monceaux de
terre au-dessus des sépultures, afin qu’on ne fût pas assez té
méraire que de prophaner le local où elles étoient placées.
Ce cérémonial étoit appellé chez les Païens,
injectio gleba.
C’étoit le dernier devoir qu’on rendoit aux défunts, et la der
nière et la plus importante cérémonie qu’on faisoit sur leurs
tombeaux : « pour ce, dit Claude Guichard, dans son
Traité
»
des Funérailles
(Liv. I, pag. 93), qu’avant que la terre eût
» été jettée dessus le lieu où le corps étoit enseveli (ce lieu)
» n’étoit adstreint à aucune religion, et le trépassé n’étoit
» nullement inhumé, joint que la famille demeurait jus-
» qu’alors funeste et endeuillée, au-lieu qu’après le solemnel
» jettement de terre, le corps étoit justement et sans défaut;
» la famille étoit délivrée, la place étoit bénite et comprenoit
» en soi plusieurs beaux privileges et droits religieux; de sorte
(2)
Ce mot
acervis
donne à entendre qu’on mettoit des monceaux de terre
au-dessus des sépultures, ce qui formoit les élévations dont il est ici ques
tion ; et c’est ce qui ne se faisoit pas sans dessein. Les anciens regardoient
les tombeaux des défunts comme une chose inviolable; et pour qu’on
n’ignorât pas les endroits où ils étoient placés, et que, sous ce prétexte, on
ne fût pas assez téméraire pour y toucher, ces éminences de terre qu’on
avoit soin d’y former, étoient, de convention faite et généralement connue
de tout le monde, les signaux des sépultures.