1876_II - page 106

VARIÉTÉS BORDELOISES
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» Seigneur le Roi, entre le jour de Noël et le premier jour
» du Carême suivant, et dans la rue appellée Poitevine, en
» là cité de Bordeaux, ledit
Bertrand Usana
m’a dit de sa pro-
» pre bouche, en l’an, terme, lieu et place susdits, les paroles
» suivantes » :
V
o ic i
ces
paro les
:
«
Maître Jean Bolomere,
je veux vous faire part d’une chose
» de conséquence et surprenante, par ma foi; et je lui répon-
» dis, je le veux bien, dites-moi ce qui vous plaira. Certes,
» reprit ledit Bertrand, les Anglois sont de mauvaises gens,
» et capables de faire les plus grands outrages. Il n’y a pas
» long-temps qu’ils allèrent à
Margaux
et à
Macau,
qu’ils y
» rompirent les branches d’arbres chargées de fruits, et qu’ils
» les portèrent dans leurs Navires; et sachez,
Bolomere,
qu’il
» faut que nous nous départions de leur obéissance et domi-
» nation.
» Sainte Marie! lui répondis-je, Sire, comment se pour-
» roit-il que la Ville, qui de tout temps a été si loyale envers
» la Couronne d’Angleterre, et qui, moyennant la grâce de
» Dieu, le sera à l’avenir, se départît de son obéissance? Éh!
» comment pourroient subsister les pauvres gens de la cam-
» pagne et les sujets du Roi notredit Seigneur, lorsqu’ils ne
» pourroient plus vendre leurs vins, ni se procurer les mar-
» chandises d’Angleterre, ainsi qu’ils ont accoutumé?
» Laissez faire, Bolomere, repartit-il, nous vivrons sans
» eux; nous taillerons nous-mêmes la moitié de nos vignes,
» et nous y cueillerons le double du vin.
» Ne me tenez plus de pareils propos, lui répondis-je, Sire,
» car j’aimerois mieux mourir que d’être de votre opinion.
» Vous en serez bon gré, mal gré, me dit-il, ou
vous passe-
»
re%la Ville
(c’est-à-dire, vous en serez chassé), vous et tous
» ceux qui seront de votre avis.
» Et pour lors je lui dis, ne m’entretenez plus sur cette
» matière, je ne veux plus en entendre parler; je préféré de
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